Réponse à un jeune citoyen européen…

…SUR L’EUROPE, SCHENGEN, CALAIS ET LES MIGRANTS

Jean-Baptiste nous a posé sur Facebook quelques questions d’actualité auxquelles nous répondons ci-dessous.

Bonjour Jean-Baptiste,

Préambule : j’essaie de vous répondre point par point ci-dessous mais tout d’abord, je tiens à insister sur le fait qu’un des problèmes de la société française (et européenne) d’aujourd’hui, il nous semble, est qu’il n’y a plus autant de mixité sociale qu’auparavant : les personnes de diverses origines sociales ne sont plus amenées à se côtoyer et ne se croisent même plus. Avant, elles se rencontraient à l’école communale, au service militaire (les garçons), à l’usine, voire à la messe et même, avant l’invention de l’ascenseur, dans leur immeuble commun puisque les bourgeois habitaient au 1er et que la position dans la hiérarchie sociale baissait au fur et à mesure qu’on montait l’escalier, jusqu’aux chambres de bonnes réservées aux toutes petites gens (il y avait encore très peu d’étudiants). Aujourd’hui, les « riches » s’enferment dans des ghettos sécurisés (je rappelle que n’importe qui pouvait entrer à la cour de Versailles s’il louait une épée) ou, a minima, derrière un code d’accès. Or, s’il n’y a plus de mixité sociale, le dialogue est rompu, les personnes qui sont en haut de la hiérarchie sociale n’ont plus de signaux réels pour prendre la mesure de la situation sociale et la corriger. Ils se fient aux médias qui ont évidemment un effet déformant : pour apprécier une situation, rien ne remplace l’expérience personnelle. D’où l’importance de choisir des leaders politiques qui ont un vécu, une expérience, et non des politiciens professionnels pour beaucoup formatés par une même école, voire une même promotion de cette école (ex : la fameuse promotion Voltaire de F. Hollande).

Ceci étant dit, passons à vos questions.

Point 1) « .. vous représentez un parti qui est complètement contraire a l’avis des gens « simples  » qui se sentent submergés par l’ UE. Ils pensent en grande majorité que l’UE est un problème (voire même un problème majeur dans leurs difficultés). Que leur répondez-vous ? ».

Réponse :

Quand on est en grande difficulté (chômage de longue durée, exclusion sociale, exclusion culturelle – ex : non maîtrise et non accès à internet, aujourd’hui, ou faible maîtrise de la langue et des concepts), on s’interroge sur les causes de ses malheurs. Elles sont évidemment multiples : carences de l’éducation nationale et de la formation permanente, concurrence internationale, manque de mobilité géographique, insuffisante création d’activités nouvelles pour remplacer celles qui disparaissent etc.. Plutôt que de décortiquer ces causes et d’essayer de trouver des solutions (à noter que beaucoup d’élus de terrain consacrent beaucoup d’énergie à améliorer la situation locale, notamment en matière de formation et de soutien à la création d’activités, et qu’il faut leur rendre hommage), il est plus facile pour certains aspirants au pouvoir de désigner des boucs émissaires : l’Europe, qui serait le cheval de Troie de la mondialisation, les immigrés, qui viendraient « manger le pain des Français » et corrompre leur culture, les politiciens, « tous pourris », les « patrons », « tous exploiteurs », les fonctionnaires et les chômeurs, « tous fainéants », etc… On comprend bien que de telles réponses, simplistes à souhait, ne sont pas à la hauteur des enjeux et qu’elles ne font que diviser la société au moment ou elle a au contraire besoin de cohésion pour faire face aux défis et trouver des solutions dans le cadre d’un nouveau « contrat social ».

S’agissant de l’Europe, ce que dit Pace est très simple : on est plus forts unis que désunis et face à la mondialisation, à l’émergence de grands empires comme la Chine et l’Inde, les Européens doivent s’unir s’ils ne veulent pas êtres marginalisés. Après, on peut adhérer ou non à cette conviction. Mais si elle est fondée, alors l’intérêt des citoyens européens est mieux défendu par Pace que par des gens qui prônent le repli de la France sur elle-même. Allons-nous régler tout seuls le réchauffement climatique et ses conséquences – dont l’immigration climatique -, les questions migratoires, la conquête de l’espace, le développement harmonieux du continent africain, notre voisin, la crise au Proche-Orient, le nettoyage des mers et des océans, la sauvegarde de la biodiversité, la souveraineté alimentaire, l’accès de tous aux biens communs etc.. ? Bien sûr que non. Mais unis, les Européens peuvent puissamment contribuer à résoudre les grands problèmes du monde qui, in fine, impactent chaque citoyen, jusqu’au plus modeste. Je prendrai un exemple : la guerre en Irak –) démantèlement par les Américains de l’armée de Saddam Hussein –) engagement de cadres de cette armée dans les armées non contrôlées par un Etat (ex : Daesch, milices anti-gouvernementales en Syrie..) –) développement du chaos au Proche-Orient –) exode massif vers les pays voisins et l’Europe –) bouchon à Calais. La catastrophique intervention franco-britannique en Lybie a eu un effet similaire.

Point 2) « Chacun, au delà des idées politiques, a un avis très tranché sur l’Europe. Personne ne souhaite la même chose. »

Réponse :

En gros, il y a tout de même trois types de regards : a) il y a ceux qui jettent le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire qui rejettent l’Europe et croient que le retour au cadre national est « la » solution (30% ?) ; b) il y a les « eurobéats », qui trouvent que tout va bien en Europe (10% ?) ; c) et puis il y a ceux (60% ?) qui comprennent que l’Europe fait partie de la solution pour aujourd’hui et demain mais qui la veulent plus efficace, ou plus sociale, et qu’elle continue de proposer un modèle de société attractive basée sur un mix entre grande liberté individuelle (chacun vit comme il veut dans le respect des autres), création, culture, une certaine prospérité économique, respect du patrimoine et de l’environnement, cohésion sociale.. C’est dans cette catégorie que se situe Pace. Voir notre livre, « Donne une voix à l’Europe » (http://fr.calameo.com/books/00338473355ee79d6d463) dont la version  allemande est « Gib Europa eine Stimme » (http://fr.calameo.com/read/0033847330a6dfc37ae50).

Point 3) « Que dites-vous de la situation à Calais ? Quelles seraient en tant que président vos actions ? »

Je réponds ici en tant que candidat à la présidence de la République plus qu’en qualité de président de Pace, comme vous me le demandez.

a) Tout d’abord, je constate que l’on ne prend aucune mesure pour empêcher les migrants de s’entasser à Calais. Il suffit de prendre le train à la gare du Nord, à Paris, pour voir que la police des frontières n’est jamais présente pour contrôler les passagers (clandestins aux deux sens du terme) dont il est évident qu’il s’agit de migrants se rendant à Calais. J’ai déjà twitté au ministre de l’Intérieur sur ce point. On préfère manifestement les laisser partir pour Calais plutôt que s’en occuper à Paris.

b) Et à Calais, on ne s’en occupe pas comme on le devrait. Nous devrions créer une Agence d’accueil des réfugiés et des migrants économiques, travaillant en étroite relation avec les associations intéressées par le sujet, en essayant de les coordonner intelligemment, c’est-à-dire dans le respect de leur autonomie. Cette agence aurait pour mission, outre de s’assurer que des conditions décentes sont offertes, d’auditionner de façon précise chaque personne migrante afin de déterminer non seulement quel « statut » on lui accorde (réfugié, avec la protection qui va avec, ou migrant économique avec, dans ce cas, la distinction entre ceux à qui l’on peut proposer une solution car leur qualification correspond à un besoin non satisfait en France ou en Europe, et ceux que l’on décide de renvoyer dans leur pays). Il faut évidemment tenir compte de leurs capacités linguistiques et de leur volonté ou non d’apprendre le français. Si c’est le cas, il faut pouvoir leur proposer des formations linguistiques et d’adaptation à l’emploi et accompagner leur installation là où se trouve l’emploi (il y a de nombreux emplois non pourvus, en France, et pour lesquels on fait par exemple appel à des saisonniers ; ex : collecte agricole manuelle). A ceux qui, a première vue, ne souhaitent pas rester en France, on doit dire : soit nous vous raccompagnons chez vous, soit, en attendant de pouvoir, éventuellement, émigrer un jour au Royaume-Uni, vous apprenez le français et vous vous installez à tel endroit en France. Je crois qu’il faut être assez directif, bien répartir ces personnes PAR PETITS GROUPES sur le territoire et consulter les populations locales par referendum avant installation, afin de s’assurer que les migrants seront bien accueillis. Bien sûr, les communes d’accueil bénéficieront d’aides spécifiques. J’ajoute que toute personne, avant d’être autorisée à s’installer en France, devrait signer, dans sa langue, un engagement à en respecter les lois et les coutumes pendant toute la durée de son séjour, y compris en cas de naturalisation. Il y serait notamment précisé que la France est un pays dans lequel : les hommes et les femmes sont égaux ; le port du voile intégral est interdit ; le blasphème n’existe pas ; on peut changer de religion ou ne pas en avoir ; le mariage entre personnes de même sexe est légal ; l’Etat est laïque, ce qui suppose que les considérations religieuses n’y ont pas leur place, notamment à l’école et à l’hôpital, qu’une femme peut être soignée par un homme, que les écoles sont mixtes etc.. Ainsi, toute personne que ses convictions profondes empêcheraient de signer cet engagement comprendrait qu’elle n’a pas sa place en France et qu’on lui refuse le droit de séjour.

Autre point : la France s’honorerait à faire un effort tout particulier pour accueillir des personnes des minorités persécutées du Proche-Orient : Yézidis, Kurdes, chrétiens d’Orient, juifs, zoroastriens, alévis, gays etc..

Point 4) « Je souhaiterais avoir votre avis sur les réfugiés en Allemagne mais aussi pour l’UE, notamment l’espace Schengen !? »

a)    Allemagne : il appartient à l’Allemagne, en fonction de l’état de son économie, de son déficit démographique (qui est un très grave problème pour elle à terme : elle aura bientôt moins d’habitants que la France alors que le rapport est aujourd’hui de 80 à 66 millions) et de sa capacité à intégrer des populations de cultures très différentes de la sienne, de voir combien de migrants elle peut accueillir.

Il appartient aux autre pays européens de consentir un effort de solidarité pour prendre leur part du « fardeau ».

b)   Schengen : Pace défend la libre circulation des personnes, un des grands acquis de l’Europe dont votre génération bénéficie tout particulièrement.

Voilà. J’espère avoir répondu à vos questions dont je suis conscient qu’elles intéressent de nombreuses personnes de votre âge, et bien au delà.

Avec mes sentiments amicaux et très européens.

Philippe